Une histoire en plusieurs chapitres et plein de faux départs.
Avant-propos
C'est quoi un (AUTO)STÉRÉOGRAMME? C'est ma métaphore.
À première vue rien de perceptible, mais en regardant d'une certaine manière se détache alors une image en relief (Davantage d'informations sur le web). Soudain une révélation, il n'y avait rien et maintenant je vois quelque chose qui m'échappait.
L'opéra pour moi a été la même expérience, à ceci près que le stéréogramme peut rapidement faire mal à la tête alors que l'opéra, lui, cache de grandes émotions, sensations, impressions.
Préambule
TOMMY des Who.
Vous pensez: il évoque TOMMY car son premier opéra? Un opéra rock?
Pas du tout.
Juste une anecdote: c'est mon grand cousin qui ne jure que par les who QUADROPHENIA, TOMMY. Alors prenant mon courage et mon argent de poche à deux mains je fonce chez Paul Beuscher à Bastille acheter une cassette. Oui à l'époque Paul avait un rayon musique.
- Bonjour monsieur le marchand, je voudrais un disque des Who, dessus il y a une chanson qui s'appelle TOMMY
- Heu, non, ce n'est pas une chanson jeune homme, c'est en fait deux albums
- ? Mais il n'y a pas la chanson TOMMY alors?
- Dans un sens oui, mais tout le long de l'album. C'est évoqué, et il faut les deux cassettes
- Deux cassettes pour une chanson?
Mais alors ici, quel rapport ?
Si si, il y en a un. Disons que mes premiers contacts avec la musique ont toujours eu ce goût de ....
Prologue
Luciano Pavarotti. À la télévision
1985, je vis en Allemagne. J'ai une drôle de relation avec les émissions télévisées, je parle trop mal la langue pour bien comprendre et je laisse mon imagination combler les lacunes.
(C'est à mon retour en France que je prends conscience que je n'avais rien compris à "Miami Vice", mais j'aimais bien ma version, une parenthèse à peine hors sujet)
C'est à cette occasion que je découvre Pavarotti lors d'un récital.
Je tombe sous le charme des chansons traditionnelles italiennes et bien entendu de sa voix.
J'oublie de préciser qu'à cette époque je suis déjà captif des interprétations des crooners, Sinatra of course et des grands airs de cinéma, John Barry, Ennio Morricone, Nino Rota...
Chapitre 1
Puccini CHE GELIDA MANINA
Deux cadeaux de ma belle-maman
Je dévore une bonne partie du répertoire, et il y a un titre en particulier: CHE GELIDA MANINA.
De retour en France me vient une nouvelle habitude, l'écoute de la musique au casque. Bien plus pour résoudre un problème de promiscuité que de qualité d'écoute.
Et le matin, avant de partir travailler, je choisis un ou deux morceaux.
Parmi eux, un qui m'a demandé davantage de temps, mais une fois conquis, je l'utilise comme stimulant.
Le final me soulève, je l'attends avec impatience pour l'effet physique qu'il provoque, cela ressemble aux premières fois répétées à l'envie.
Cette note puissante, longtemps tenue. Une première composante!
Chapitre 2
Premier opéra
Je suis en mission à Richmond Angleterre et c'est en passant devant un disquaire que je saute le pas en achetant MADAME BUTTERFLY (Mouche à Beurre en français)
Etourdi que je suis, je me suis trompé.
Aujourd'hui je ne m'explique pas facilement cette confusion, j'étais pressé et avais peu de références sous la main, même pas le titre CHE GELIDA MANINA. Juste Pavarotti, Puccini.
Une fois de retour à Paris, je me jette sur les CD, je ne lis même pas le livret, je passe les titres un par un. Au casque
Pas de CHE GELIDA MANINA, ni de TOMMY d'ailleurs.
Je retourne à mes compilations et comprends mon erreur.
Déception.
Un soir que je suis seul dans l'appartement.
Merde je l'ai payé assez cher ce coffret. Je décide une dernière écoute avant remise aux oubliettes.
Je baisse l'halogène au minimum et je m'allonge sur le canapé.
Mon esprit vagabonde et puis soudain
VIENE LA SERA suivi de VOGLIATEMI BENE qui font corps malgré la séparation
J'entre dans ce labyrinthe sonore sans difficulté et ne souhaite plus en sortir, c'est la révélation. Mes écoutes passées sans résultat ont laissé une chrysalide qui enfin se métamorphose.
J'ai ma méthode d'écoute, je la vérifie sur LA BOHEME, TOSCA. Cela devient une drogue dont je recherche l'effet euphorique.
Et je me pose une question fondamentale
Chapitre 3
Effet PUCCINI ou effet OPÉRA?
Je veux savoir et c'est avec timidité et fébrilité que j'essaie ma méthode avec Verdi et sa TRAVIATA.
Pour les connaisseurs ce choix doit faire sourire par son manque d'audace.
Une confirmation et une surprise. Le plaisir est grand mais différend, je découvre une euphorie encore inconnue, une nouvelle saveur.
DELL'INVITO & LIBIANO NE
C'est donc avec une oreille timide que j'entre dans cet univers, je m'intéresse aux interprétations, aux critiques. Je lis les livrets, l'histoire et les histoires de l'opéra.
Je visite, je tente, je risque... mais toujours avec cette méthode d'écoute: l'empreinte puis la révélation.
Suite à Verdi, je tente Richard Strauss - Wagner m'impressionne trop - et me voici embarqué sur SALOME..
WO IST ER
Il me faudra davantage de temps, une période de doute, sur BORIS GODUNOV, davantage de temps mais alors quel résultat, encore des nouvelles sensations: obtenues par ces effets réduits à quelques notes: apaisement, gravité, introspection.
ONE MORE FINAL STORY
Je gagne en assurance, ma boulimie entamant le budget alimentation des enfants (naaan je déconne) je me tourne vers les médiathèques et le rythme d'emprunt: 9 semaines par Opéra.
Le KOBBÉ comme guide et plusieurs années de découvertes.
Epilogue
Après une dizaine d'années de mono-écoutes j'ai réussi à conserver ce rituel en laissant la place à d'autres musiques pour d'autres sensations même si l'Opéra aura été la plus grande de mes découvertes.
Quelques échecs - pour l'instant - tel Berg WOZZECK ou Zimmermann DIE SOLDATEN.
En revanche
Un monument qui m'a demandé des années d'écoute - non pas pour le posséder - mais pour aboutir à un 24h non stop de RING de Wagner . Quel souvenir
Et pour finir et rebondir sur la toute première vidéo, oui j'ai les larmes quand j'écoute certaines merveilles, comme
Richard Strauss ROSENKAVALIER le finale
Elles réveillent en moi des moments heureux et douloureux sans distinction et je me laisse porter.
Et maintenant?
Maintenant, même méthode avec davantage de lecture ... et ça fonctionne encore pour mon plus grand... pardon MES plus grands plaisirs.
TOI QUI SUS LE NÉANT DES GRANDEURS DE CE MONDE
À suivre
"Porgy" tu as raison, une belle entrée en matière qui reste peut-être isolée surtout si on préfère les vocaux jazz, "Summertime" par Ella est plus touchant que par une soprano, j'ai testé les deux. Par contre en spectacle cela doit valoir le coup, je l'imagine comme un "west side"
RépondreSupprimerPuccini, en plein anniversaire, tente une écoute de "Butterfluy" voir si ton expérience passée a laissé une trace dans ta mémoire?
j'aime ta façon de raconter ton entrée dans ce "genre" qu'est l'opéra...
RépondreSupprimerloin d'être évident, mais on a toujours dit que l'opéra, si ton premier est un choc, ce sera pour toujours, par contre si c'est un loupé tu t'en détourneras (à jamais ? - rien n'est moins sûr, je dirais).
tu sais que je reste un inconditionnel de l'opéra, je dirais presque tous genres/styles confondus... (as tu vu sur qobuz la playlist sur l'opéra rock ?, elle est en qobuz playlist donc aisément accessible - ils partent de tommy, justement).
l'opéra, je l'ai découvert de l'intérieur, enfant choriste et ça ne m'a jamais lâché - pire je n'ai même pas forcément besoin de l'histoire, du synopsis pour me laisser embarquer... la musique, parfois, juste elle et seule.
Puccini... que d'émotions dans ses opéras et des systèmes d'écriture et d'orchestration faits pour la susciter (et même quand on les connait ces ficelles, on ne peut que se laisser faire...)
Wagner, je l'écoute régulièrement, je viens par exemple d'écouter la dernière production de Parsifal, énorme !
Et puis je guette toujours un nouvel Orfeo, un nouveau Wozzeck ou encore un Nozze di Figaro...
Strauss, sa femme sans ombre...
Weber et son Freischutz...
Et Verdi que j'ai eu beaucoup de mal à apprivoiser
Et puis, Pelleas et Melisande, un sommet debussyste...
As tu écouté Einstein on the beach de Glass ?
ou encore le génial Kinghofner de John Adams ?
bref, c'est infini et ça inspire encore les compositeurs, c'est tout dire...
Allez, tiens, je vais mettre de côté pour ma route demain un opéra de ... pourquoi pas ? ... Handel ...
les choix sont vraiment multiples.
à +
Merci pour ce commentaire qui fait chaud au blocoeur.
SupprimerJe pense mon expérience montrer que ne pas aimer l'opéra est plus souvent question d'obstacle, de perception que de sensation sans possibilité de retour.
Le plaisir de faire découvrir à d'autres.
C'est arrivé avec mon ami André, déjà il n'avait pas d'idée préconçu. Mais me voyant dans ma période monomaniaque il a fini par s'y mettre. Je me souviens encore de la soirée où m'expliquant qu'il était intrigué par ma nouvelle passion - on se connait depuis plus de quarante ans - il avait fini par acquérir "Mazeppa" de Tchaïkovski, pour une première il semblait ne pas avoir choisi l'évidence. Pourtant il a été de suite enthousiaste sans passer par mes chemins tortueux. L'explication il me semble a été sa formation conservatoire, il a beau ensuite toucher à tous les styles en tant qu'auditeur et musicien - il a fondé une école de musique à Aulnay - il n'a pas la même oreille, un peu comme pour la lecture - l'initiation ne peut pas être inutile et quel temps gagné pour savourer la musique.
En te répondant je pense que je vais m'y pencher sur ce "Mazeppa" comme pour répondre à un souvenir.
Reste deux blocages "Wozzeck" et "Die Soldaten" mais le dernier, trop rebuté de suite je n'ai pas fait d'effort. Alors que le Berg.... Plusieurs écoutes avec la version de Abbado, sans résultat sauf à trouver le livret d'une grande force, même sentiment que le "Berlin Alexanderplatz" de Doblin, pas encore vu la série de Fassbinder.
L'école dite de Vienne est enigmatique quelque part...
SupprimerQui plus est, elle a été boudée et même évitée dans l'éducation musicale, donc même parmi les personnes disons spécialistes, rares en sont les adeptes.
J'ai eu la chance inouïe d'avoir un professeur qui nous a installé cette écoute de façon non intellectuelle mais de la façon la plus naturelle possible, avec le strici minima d'explications qui pouvait susciter notre intérêt.
Alors j'ai cherché à en savoir plus, par envie, curiosité devant cette porte qu'il nous avait ouverte. Je te parle de ça en 1975/76, hein... alors qu'aujourd'hui la plupart des professeur(e)s de formation musicale bifurquent systématiquement face à cette musique.
Mais cette école a aussi subi l'étiquette d'un certain snobisme, entretenu par une élite musicale avec en chef de file Pierre Boulez pourtant reconnu comme étant l'un de ses interprètes référents.
Et puis un jour tu découvres une autre vision, plus musicale, plus textuelle, plus humaine que celle avant tout scientifique de Boulez, une vision par un chef américain, ami très proche de Schoenberg quand celui ci s'exila aux States.
Il s'agit de Robert Craft qui a enregistré toute l'école de Vienne (tu l'as sur Qobuz) et là, d'un coup, cette vision, d'ailleurs pas si lointaine de celle de Abbado, tellement lyrique en somme, ouvre un champ d'écoute inatendu, inédit même et en tout cas d'un réalisme qui rend finalement, cette musique, abordable à plus d'un titre.
A toi de jouer donc...
Robert Craft, c'est noté. Mais je sais que je vais replonger. Pour l'instant j'achève quelques papiers pour me libérer l'écoute sur Mazeppa.
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